Charte des droits fondamentaux
de la femme afghane : sait-on assez que Massoud la signée ?
A l'heure où l'opinion internationale s'émeut du sort
fait au patrimoine millénaire de l'Afghanistan promis à destruction
par décret du chef suprême des taliban, mollah Omar, l'appel à venir
au secours du peuple afghan et des femmes en particulier, lancé et signé
par des personnalités politiques françaises (Le Monde du 28 février),
vient rappeler à juste titre que la population d'Afghanistan a été logée
à la même enseigne que les vestiges historiques aujourd'hui, et ce depuis
l'arrivée à Kaboul de la milice fondamentaliste, en 1996. En s'attaquant
au patrimoine mondial de l'humanité, les taliban ne font que montrer
l'ultime facette de leur impossible gestion du pays, le conduisant avec
leur folle logique droit vers le néant. De ce constat, il est urgent
de tirer les conclusions, notamment politiques, et d'agir en conséquence.
C'est ce à quoi incite l'appel, qui demande instamment la dénonciation
de ce régime criminel, avec lequel nos diplomates du Quai d'Orsay entretiennent,
au nom d'une politique de "neutralité active", les plus cordiales relations,
insistant sur le fait qu'il leur revient d'empêcher toute tentative
de reconnaissance internationale, et notamment le siège à l'ONU réclamé
avec insistance par les miliciens de Kaboul.
En conclusion, l'encart du Monde demande d'exprimer
sa solidarité avec l'association Negar-Soutien aux femmes d'Afghanistan,
en signant la Charte des droits fondamentaux de la femme afghane. Un
document qui mérite que l'on raconte son histoire.
Elle se situe au coeur de l'été, à Douchanbé (Tadjikistan)
où quarante femmes venues de France, des États-Unis, d'Espagne ou d'Algérie
ont rencontré, à l'initiative de Negar, deux cent cinquante réfugiées
afghanes. Ces "Femmes en marche pour l'Afghanistan" ont tenu une assemblée
de deux jours durant lesquels, pour la première fois, des Afghanes ont
pu s'exprimer librement à une tribune et à visage découvert sur ce qu'elles
avaient enduré. Certaines venaient tout juste d'arriver dans la capitale
de la jeune république d'Asie centrale, d'autres y résidaient depuis
plus longtemps, exilées suite à la prise de Mazar-e-Shariff par les
taliban, en août 1998, qui avait été le théâtre d'épouvantables massacres
ethniques.
De cette assemblée est née la Charte des droits fondamentaux
de la femme afghane, rédigée et promulguée le 28 juin 2000 par les Afghanes
présentes, soutenu par l'Appel de Douchanbé lancé par les Occidentales.
Le lendemain, une délégation de neuf personnes, dont quatre journalistes,
s'est rendue en hélicoptère dans la vallée du Panshir, l'une des dernières
poches de résistance, sous contrôle de l'Alliance du Nord, dirigée par
Ahmed Shah Massoud. Un voyage périlleux, parfois effectué à très basse
altitude afin d'éviter les tirs des taliban postés derrière les lignes
de crête. Durant quatre jours, la délégation a discuté avec la population
et présenté la charte au cours de ses déplacements, notamment à une
jeune institutrice qui la lut à ses élèves, des jeunes filles en retard
sur le programme puisque privées de scolarité sous le régime des taliban,
comme l'expliqua l'enseignante. Le 2 juillet, le commandant Massoud
a quitté le front afin d'accorder un entretien d'une heure durant lequel
il a lu avec grande attention la charte que la délégation n'a pas manqué
de lui soumettre. Après avoir condamné l'ingérence du Pakistan dans
le conflit et avoir émis le souhait de voir son pays évoluer vers l'instauration
d'un régime démocratique, celui-ci a insisté à plusieurs reprises sur
le fait que les femmes devaient avoir le droit de vote et être éligibles
aux plus hautes fonctions. Il a ajouté de sa main une phrase stipulant
que tout cela ne pouvait être fait que dans le respect de la culture
afghane, précisant que cela ne devait pas être compris dans le sens
rétrograde où l'entendent les taliban. Une façon sans doute de se démarquer
également des procédés employés par les Soviétiques qui, en leur temps,
avaient imposé leurs réformes sans autre forme de concertation. Sans
hésitation, il répondit favorablement à l'invitation qui lui était faite
d'authentifier son engagement en signant le document.
L'appel-pétition du Monde interroge par une série de
"Sait-on assez", énumérant les différents points accablants du dossier
afghan. Ainsi, la première interpellation rappelle que "le mollah Abbas,
ministre de la Santé, reçu le 7 février dernier à Paris [dans les salons
du ministère français des Affaires étrangères], est l'homme qui a détruit
le système de santé, en interdisant au corps médical féminin d'exercer
et aux femmes de se faire soigner par des hommes". L'énoncé de l'ensemble
des données qui suivent est tout autant édifiante.
Pourtant, l'on serait tenté d'ajouter à cet appel,
dans lequel l'essentiel est dit, ce dernier point : Sait-on assez que
le commandant Massoud est le dernier combattant à organiser une résistance
aux taliban et la première personnalité politique à avoir signé le Charte
des droits fondamentaux de la femme afghane.
Françoise Causse
Images prises dans la vallée du Panshir
(Afghanistan) le 2 juillet 2000
Negar: http://perso.wanadoo.fr/negar/index/htm
Sur la signature de la charte par Massoud, Résistantes
à découvert, reportage de Françoise Causse paru dans
DS de novembre 2000, en ligne sur "Des Afghanes signent la résistance"
Reportage et photos de Françoise Causse
DS Magazine, novembre 2000
Site de la conférence de Doushanbé : http://www.worfa.free.fr
|
Copyright © Françoise Causse/Digipresse.

Le commandant Massoud recevant
la délégation de femmes occidentales

Chekeba Hachemi et Maliha Zulfacar
en pleine conversation avec Massoud

Massoud étudiant la charte
des droits fondamentaux de la femme afghane

Signature !


Le Commandant Massoud est la
première personnalité politique à avoir signé la charte des droits fondamentaux
de la femme afghane

Copyright © Françoise Causse/Digipresse.
|