Massoud accuse le Pakistan
Nous l'avons longtemps attendu. Dans le Panshir il faut avoir la notion
afghane du temps. Il est vrai que c'est à cette notion que Massoud doit
la vie : on ne sait jamais où, quand et comment il sera là. Quand il est
entré dans la pièce où nous nous tenions, il s'est passé quelque chose
: un homme de guerre venait d'arriver. Il a répondu à nos questions avant
de repartir au front.
Quel est le rôle de l'actuel gouvernement ? Qu'attendez-vous des femmes
?
Le gouvernement jouera dans l'avenir à l'étranger et en Afghanistan.
Quant à nos soeurs de l'extérieur, elles doivent s'intéresser à nos problèmes
internes : écoles, hôpitaux,... On les attend. Au Panshir, il n'y a d'ores
et déjà aucun problème !
Quelle différence faites-vous entre la situation militaire de cette
année et celle de l'année dernière ?
Au niveau politique, le gouvernement pakistanais continuera de renforcer
sa situation militaire en Afghanistan. Au niveau du discours, en dépit
de l'ONU et de certains pays, le Pakistan a préparé minutieusement l'offensive
d'hier et comme vous pouvez le constater, grâce à Dieu et au peuple afghan,
il a échoué. Encore une fois, la solution militaire n'est pas la solution
pour l'Afghanistan. On arrive à rien, si ce n'est à faire tuer de pauvres
gens.
Quel régime souhaitez-vous une fois à Kaboul ? Et quel avenir pour vous
?
Quand mes adversaires disent représenter l'ethnie pachtou, je dis d'accord.
Quand ils disent contrôler 80 % du pays, je dis d'accord. Quand ils disent
être appuyés par le peuple afghan, je dis d'accord. Dans ce cas, allons
au vote et que le peuple choisisse ! Je souhaite une démocratie mise en
place par le suffrage universel, dans lequel les femmes et les hommes
auront le droit de vote et seront éligibles, afin que le peuple se prononce
librement. Amener mon peuple vers cette démocratie serait mon plus grand
rôle. En attendant, c'est de repousser l'envahisseur hors de mon pays.
Quelle pression peuvent exercer les USA sur le Pakistan ?
Tous les pays peuvent exercer une pression sur le Pakistan : financière
par exemple à cause de la dette vis-à-vis des USA, sur les livraisons
d'armes des USA. Il y a bien d'autres moyens.
Dans quelle mesure pouvons-nous vous aider concrètement ? et dans quelle
urgence ?
Améliorer la situation alimentaire et sanitaire des réfugiés. Leur fournir
des abris réels avant l'hiver. Du matériel scolaire pour les enfants.
Vous, les Afghanes, vous pouvez rendre service à votre pays en créant
des projets depuis l'étranger : affaires sociales, sanitaires, économiques
et travaux manuels pour les femmes. Des Françaises ont ouvert un centre
médical dans le Panshir, alors pourquoi pas des Afghanes ? C'est bien
de travailler sur les droits des femmes, mais il y a le domaine de la
parole et celui de l'acte. Nous sommes à votre disposition.
Quelle crédibilité accordez-vous à la perspective de la création de
la Loya Jirga que souhaite lex-roi Zaher Shah ?
Si la Loya Jirga pouvait amener la paix en Afghanistan, je ne m'y opposerais
pas.
Accepteriez-vous la présence de Talibans au gouvernement ou devrez-vous
aller jusqu'à leur défaite totale ?
On ne peut faire un gouvernement de coalition avec les Talibans dans
la durée. Nous sommes pour un gouvernement de transition de courte durée,
6 mois à un an par exemple, pour conduire le peuple aux élections.
Est-il vrai que vous avez subi des pressions externes pour ne pas nous
rencontrer ?
Oui. Aucun commentaire. (Massoud avait un sourire qui en disait long
sur ces pressions)
Que pensez-vous de l'attitude du FIS algérien ?
Je répète que nous avons condamné et que nous condamnerons ces terroristes
qui tuent, pillent et violent. Ils sont un déni de l'islam.
Quelle trace voulez-vous laisser dans l'histoire de l'Afghanistan ?
Je suis un serviteur du peuple et de mon pays. Là-dessus, une Afghane
lui présente la Charte des droits des femmes. Massoud la lit et en approuve
le texte. Elle lui demande de signer. Ce quil fait en ajoutant un 11e
paragraphe : « En prenant en considération les croyances, traditions
et culture du peuple afghan ». Il déclare : « Il ne faut pas aller
plus vite que le vent».
LIRE Lettres à massoud par Salvatore Lombardo. Editions Autres temps
Massoud, un chef de guerre qui rêve de paix.
G.C.
G.C.
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